Saturday, November 10, 2007

Les élections étudiantes en Grèce.

Chaque année à la fin du deuxième semestre, les universités (AEI) et les hautes écoles (TEI) en Grèce vibrent d’activité politique en vue des élections étudiantes. Ces élections constituent un point culminant de la vie politique dans l’enseignement supérieur. C’est le moment où est décidée, au niveau facultaire, la composition de l’organe représentatif des étudiants auprès des autorités. C’est aussi le moment où se définit le rapport de force politique et idéologique dans ces organes. Cette année les élections, qui ont eu lieu le 10 mai, avaient un enjeu en plus : est-ce que la vague contestatrice contre les réformes néolibérales de l’enseignement supérieur qui a commencé en mai 2006 et s’est terminée en avril de cette année aura un effet sur la domination nationale de la DAP-NDFK (l’organisation syndicale de la droite qui soutient les réformes - liée au parti au gouvernement, Nea Dimokratia) dans le supérieur ? Les résultats ont été inattendus !!!

Trop d’enthousiasme

Plusieurs groupes politiques qui ont participé activement aux occupations et aux manifestations de mai- juin 2006 et janvier-avril 2007 voyaient dans ces élections la naissance d’une nouvelle phase de ce mouvement. Beaucoup ont cru que les Assemblées générales et le soutien souvent massif aux propositions de lutte allaient se refléter aux urnes et en un changement du rapport de force contre la droite. C’est cette idée, ou plutôt espoir, qui a poussé certaines forces à créer le front syndical « Unité de Gauche ». Toutefois, la consolidation politique du mouvement n’est pas survenue. En tout cas pas comme prévu.

Au niveau national, il y a eu une participation de 150.892 étudiants, dont 101.096 en universités (AEI) et 49.786 en haute école (TEI). Cela témoigne d’une légère hausse de la participation aux AEI et une légère baisse aux TEI. Les résultats ont suivi le patron traditionnel. La DAP-NDFK est toujours en tête tant aux AEI (39.47%) qu’aux TEI (46.25%), suivie par la PASP[1] (25.78% ; 28.22%) et la PKS[2] (14.93% ; 15.28%).

Toutefois, il est important de souligner que la DAP a connu une chute de 0.8% aux AEI et de 3.5% aux TEI. La PASP aussi a connu de petites défaites, ces résultats ont baissé de 0.65% aux AEI et 0.28% aux TEI. Finalement, la PKS a, elle aussi, connu une baisse 0.65% aux AEI, mais une hausse de 3.37 % aux TEI.

Les "gagnants" de ces élections ont été les petits groupes de gauche : l’EAAK (syndicat étudiant de la gauche indépendante, AEI : 8.02% ; TEI : 1.33%), et l’« Unité de Gauche »[3] (AEI : 4.03% ; TEI : 1.66%). Par opposition aux autres groupes, ces deux groupes ont eu une hausse tant dans les AEI (EAAK: de 1.15%; Unité de Gauche: de 1.66%) que dans les TEI (EAAK : 0.49% ; Unité de Gauche : 0.49%).

En voyant ces résultats, beaucoup d’étudiants qui se sont donnés corps et âme à la lutte contre les réformes et à la campagne électorale ont été déçus. La révolution que certains espéraient dans le rapport de force sur la scène politique de l’enseignement supérieur n’est pas venue. Néanmoins, l’affaiblissement, même petit, des organisations syndicales des deux partis politiques les plus populaires et la hausse du soutien à la Gauche, au sens large, démontrent que les espoirs de certains sont fondés.

Quel bilan peut-on tirer ?

Il est évident pour toutes les forces politiques qui ont participé au mouvement de cette année et qui ont vécu les Assemblées générales de 2000 personnes, les occupations et les manifestations massives, le résultat a été décevant. Toutefois, en faisant une lecture plus calme des événements, les divers groupes expliquent la situation, tirent un bilan positif et observent qu’ils ont été victimes de leur propre enthousiasme.

La raison principale mise en avant par les divers groupes a été le manque de temps pour faire une campagne électorale. Généralement, il y a une préparation de deux mois. Cette fois-ci, il y a eu un peu moins qu’un mois.

De plus au sein de la Gauche, il y avait des voix qui étaient contre les élections. Elles voyaient cela comme une instrumentalisation du mouvement. A plusieurs reprises, ils ont boycotté les préparatifs et ont même menacé de bloquer des élections elles-mêmes. Ceci rendait la campagne et les élections incertaines, de même pour le travail politique en ce moment.

Une autre raison, c’est la manière dont le mouvement a été mené. « Dans les Assemblées générales, les débats étaient très souvent cloisonnés par des interventions contre le gouvernement, contre les reformes, contre le Parti socialiste, mais avec peu de propositions alternatives. On parlait des choses abstraites, dont les étudiants comprenaient la fonction destructrice du système d’enseignement, mais qui ne leur à pas permis de dire : je ne vais pas voter la DAP-NDFK ou la PASP… » déclare un des étudiants actif lors du mouvement.

Par ailleurs, dans la plupart des facultés, les occupations ont réussi à pousser les étudiants hors de leurs facultés. Dans la plupart des cas sous le prétexte « libertaire » (« ceux qui veulent peuvent venir », « ceux qui veulent peuvent parler », « chacun fait ce qu’il veut »), les activités ne visaient qu’une petite minorité des étudiants. Très souvent les super convaincus. Mis à part les facultés où la PKS et des fois l’EAAK avaient le dessus, dans les autres il y avait peu des efforts à tirer les gens vers les facultés occupées. Les groupes de gauche, surtout la PKS, concluent que, aussi à cause de ceci, le travail de consolidation politique a été déficient.

Cependant, ils voient aussi des victoires. Le mouvement a réussi à déstabiliser la droite dans le supérieur. La preuve est que dans plusieurs de leurs bastions, comme l’est la faculté de médicine à Thessalonique, ils ont perdu leur majorité. « Malheureusement, souligne un membre de l’EAAK, le déplacement a été plus absorbé par la PASP que par la vraie gauche ».

Même si elle a connu une légère baisse dans les universités, la PKS est première en faculté de Physique à Athènes, en Informatique en Nord de la Grèce et en faculté de Philosophie et Lettres à Patras. Elle a aussi réussi une incroyable hausse dans les TEI avec une défaite claire des forces traditionnelles. L’EAAK et l’ « Union de gauche » ont aussi connu des augmentations importantes.

« Peut-être les résultats ne sont pas ce qu’on attendait ; probablement que nous avons été trop enthousiastes en croyant que les gens qui votaient pour les occupations, venaient aux manifestations, avalaient des lacrymogènes et ramassaient des matraquages toutes les semaines allaient spontanément changer leurs habitudes électorales ; cependant, nous avons quand même réussi à leur faire peur. Ils ne sont plus en sécurité à leur place. La mobilisation et les élections ont montré qu’on peut faire bouger les choses. On a encore de l’espoir… », déclare un responsable de la PKS pour des AEI d’Athènes.

To be continued…

[1] Organisation syndicale du parti socialiste, PASOK- opposition majoritaire au Parlement

[2] Organisation syndicale liée au Parti Communiste Grec

[3] L’unité de AR.SXI. et de DARAS respectivement liées à la Coalition de la Gauche radicale et au Synaspismos, toute les deux présentes au Parlement.






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