Le monde universitaire en Grèce est paralysé. Plus de la moitié des facultés du supérieur (Universités et Haute écoles) sont occupées au niveau national par les étudiants qui refusent la privatisation de l’enseignement grec. Tous les jours des Assemblées Générales sont organisées et des nouvelles facultés s’ajoutent à la liste. Aux côtés des étudiants nous trouvons aussi les professeurs universitaires, les enseignants du primaire et secondaire et plusieurs organisations syndicales.
Pourquoi à nouveau cette explosion ??
Au centre de cette nouvelle explosion sociale se trouve la volonté du gouvernement (avec l’appui explicite du parti social-démocrate, dans l’opposition, le PASOK) de revoir de l’Article 16 de Constitution grecque. Cet article garantit un enseignement de qualité, gratuit et surtout public [1] pour tous les citoyens grecs. Il déclare sans ambiguïté que seul l’Etat peut fournir ce service et que toute personne privée est interdite explicitement de le faire à sa place ou de manière parallèle.
En se basant sur une série de problèmes dans l’enseignement public (bureaucratie, clientélisme, mauvaise gestion, recherche scientifique limité, professeurs poussés vers le privé, matériel nécessitant une modernisation, etc.) qui sont vrais et en se cachant derrière les « contraintes mises par l’Union Européenne » et les « éventuelles sanctions qui pèseront lourd sur la famille populaire », le gouvernement propose la flexibilisation du système d’enseignement et la création d’un marché. A savoir, permettre la création des établissements non étatique et sans but lucratif qui sera en concurrence avec les établissements publics.
Toutefois le mouvement étudiant arrive à décrypter ce qui se cache derrière le message gouvernemental. Pour cela, il suffit d’observer ceux qui font le plus pression pour soutenir le gouvernement : la centaine des établissements privés qui existent déjà en Grèce et qui profiteront de la réforme. Pour le moment, les diplômes qu’ils délivrent ne sont pas reconnus par l’Etat grec. Dans certains cas ces établissements font du franchising, à savoir ils paraissent comme branches des autres universités reconnues. Le plus souvent du Royaume Uni et les Etats-Unis. Dans d’autres cas ils fournissent leurs services sans se soucier de la reconnaissance. Tel est le cas du Athens Institute of Technology sponsorisé par Intracom (telecommunications) et la Kokkalis Foundation (toutes les deux appartenant à Socrates Kokkalis un des plus grands entrepreneurs grecs).
Et la loi-cadre ?
Dans la plupart des plateformes d’occupation ou mobilisation les étudiants condamnent aussi la loi-cadre. En Grèce, personnes n’a oublié le remous de Mai-Juin 2006 provoqué par la proposition de reformer le système éducatif sur base de la loi-cadre [2] ni que le vote au Parlement sur ce point aura lieu au mois de mars. Juste après la décision du la révision de la Constitution.
Par ailleurs, le gouvernement dans une manoeuvre politique très maladroite a menacé publiquement de rapprocher le vote pour les jours qui viennent. Ce qui donne un élément de plus aux étudiants pour remettre cette revendication à l’ordre du jour. La raison de ce mouvement peu délicat est le fait que des soi disant « anarchistes » protégés par l’asile universitaire si prêtent à des vandalismes et actes criminels (fabrication et jets des cocktails Molotov contre la police, organisation des actions pour brûler des voitures et banques). Etant donné que la loi cadre propose la révision du droit à l’asile universitaire [3] grâce aux « anarchistes » le gouvernement a trouvé une excuse pour presser la discussion. Cependant, le mouvement étudiant ne se laisse pas faire.
Le mouvement gonfle, gonfle, gonfle....
Après trois semaines de luttes les étudiants n’ont pas l’air essoufflé. Cela a commencé avec quelques dizaines des facultés occupées et dans l’espace des trois semaines cela a atteint les 311 facultés occupées. Ceci a plus de mérite si nous songeons que ce ne sont pas des occupations à durée indéterminé mais que chaque semaine, et dans certains cas deux fois par semaines, le combat doit être fait dans les Assemblés générales étudiantes contre la DAP (organisation syndicale liée au parti au gouvernement) qui est une grande force parmi les étudiants.
Chaque semaine des Coordinations de ville et une nationale ont lieu. Malgré leur structure un peu flou et questionnable, faute d’une structure syndicale des étudiants officielle au niveau national, il est évident que la participation a augmenté depuis leur début il y a deux semaines. A la première rencontre nationale il a y eu 200 étudiants de toute la Grèce représentant leur comité d’occupation à la deuxième, une semaine plus tard, plus de 2000.
Depuis le début du mouvement tous les mercredis des manifestations sont organisées. La participation reflète la tendance nationale. Le mercredi 24 janvier, troisième journée nationale, le nombre de manifestants au niveau national a atteint 40000. A Athènes 20000, à Thessalonique 8000-10000 et aux autres villes 10000.
Toutefois ces chiffres sont clairement en dessous des capacités du mouvement. Il ne faut pas oublier que dans le mouvement Mai-Juin 2006 plus de 90% de facultés étaient occupés et que les manifestations au niveau national atteignaient 70.000- 80.000 manifestants. « Il est évident que la peur perte de la session de examen ou même du semestre et les arguments de la DAP contraignent assez les étudiants à participer au mouvement... » Déclare un porte parole de la Coordination des occupation de Thessalonique.
Le front de l’Enseignement pour le Peuple se construit...
Le mouvement contre la révision de l’article 16 n’est pas isolé. Les étudiants trouvent à leurs côtés le syndicat des professeurs universitaires et beaucoup de recteurs des universités qui sont aussi concernés par ces reformes. Le premier depuis la semaine passé a déclaré la grève deux jours sur cinq (pour dans deux semaines rentrer en grève permanente.). Du côté des recteurs, certains ont décidé de suspendre les cours et la session d’examen pour que la lutte des étudiants se déroule sans entraves ni souci. D’autres ont simplement montré leur soutient par écrit à la cause des étudiants. C’est le samedi 3 février que tous les recteurs se mettront d’accord sur une position.
Les enseignants du primaire et du secondaire eux aussi se mettent aux côtés de la communauté universitaire. Ceux-ci ont été en grève pendant sept semaines l’année passé (sept - novembre 2006). Il déclarent ouvertement leur soutient, ils participent aux manifestations et regrettent profondément que les mouvements n’aient pas coïncidés de sorte à vraiment créer un front de l’Enseignement pour le Peuple [4].Ils ne perdent pas l’espoir.
Les écoliers via les structures qu’ils ont créé lors de lutte l’année passé déclarent sur leur site (www.mathites.gr) : « La lutte continue. Ne touchez pas à l’article 16. Nous revenons de manière plus dynamique pour les arrêter. Dans chaque quartier, chaque école, chaque classe nous rassemblons des signatures contre la révision d’article 16, nous informons les écoliers. Nous organisons notre combat. ». A chaque rendez vous ils sont là. Ils savent que cela les concerne. Ils savent que c’est leur lutte aussi.
Selon certaines analyses l’Enseignement est la victime de la crise du système. Un changement est nécessaire. Vers ou ? Quel enseignement voulons-nous ? La question se pose aujourd’hui dans le mouvement.
Les occupations, les étudiants, les enseignants, les professeurs, les travailleurs, les familles donnent une réponse claire.
Un enseignement de qualité, public et gratuit qui répond aux besoins des gens et de la société.
La lutte de longue haleine continue......
[1] Il faut savoir qu en Grèce l’enseignement est gratuit à toutes les échelles. Au niveau supérieur ceci veut dire : pas de minerval, livres gratuits pour toutes les matières, nourritures gratuites trois fois par jours pour tous les étudiants, réduction dans les transport publics (0,30€ par ticket de bus, metro etc), réduction de 35-50% dans la culture.
[2] http://www.chengetheworld.org/fr/index.php ?op=articles&task=verart&aid=361
http://www.ecoledemocratique.org/article.php3 ?id_article=327
http://rebellyon.info/article2376.html
http://www.collectif-rto.org/article.php3 ?id_article=215
Loi cadre : L’introduction du syllabus/livre de référence payant, La reconsidération de "l’asile académique", La révision du budget des Universités , L’introduction des Managers dans chaque faculté, Limitation des possibilités de doubler 2 ou 3 fois, selon la faculté
[3] La reconsidération de "l’asile académique" . Aujourd’hui l’asile assure la liberté d’expression et de circulation d’idées dans tous les lieux académiques. Ainsi la police ne peut aujourd’hui entrer dans les lieux académiques que dans des cas extrêmes (accord unanime d’une Commission d’Asile). La loi cadre propose la création d’une Commission des Recteurs qui décidera sur base d’une majorité des 2/3 de lever ou pas l’asile. La loi cadre justifie cette proposition en disant qu’aujourd’hui il y a des abus et que l’asile fait appel a des époques du passé (dictature) ou la liberté dans les universités ne pouvait être assurée que par l’asile. Les AG voient ici un danger démocratique et une limitation potentielle de leur pouvoir de contester les politiques au sein de leur établissement.
http://www.ecoledemocratique.org/article.php3 ?id_article=327
[4] Le Front pour l Enseignement pour le Peuple : Etant donné que l’enseignement subi tant des attaques à tous les niveaux les gens concernés ont proposés la création d’un front large pour sauvegarder le caractère public et gratuit de l’enseignement.
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